
La Revue Nouvelle Numéro 3 – – 2020 • > Dossier
Comment informer quand on est face à l’inimaginable ? Comment donner des points de repère quand on est soi-même contraint de naviguer à vue ? Pourquoi avoir mis tant de temps à percevoir les vrais enjeux pour nos pays européens alors que les indices étaient si nombreux ? Carnet de bord d’un journaliste dans la tempête du coronavirus.
Soyons honnêtes, ce coup-là on ne l’avait pas vu venir. En janvier 2020, ce minuscule petit virus à couronne, apparu en Chine, était encore traité bien loin des Unes dans les pages internationales des journaux. Les mots « risque de pandémie » étaient déjà bien là, pourtant. Mais c’était un peu comme si on jouait à se faire peur. Après tout, on avait utilisé le même lexique en 2003 au moment du SRAS et en 2009 pour la grippe H1N1 sans que fondamentalement cela ne chamboule nos vies, ici en Europe.
Trois mois plus tard, nos sociétés sont comme « mises sur pause », hébétées par l’angoisse, suspendues au décompte macabre des victimes de cette affection respiratoire, questionnées jusque dans leurs fondements. Le Covid-19 monopolise l’ensemble des contenus médiatiques. Les émissions spéciales s’enchainent. Et ce n’est pas près de s’arrêter.
Une affaire chinoise
En tant que journaliste, une question me taraude à l’heure d’écrire ces lignes : Comment ai-je mis autant de temps à percevoir l’ampleur de la vague qui arrivait sur nous ?
C’est symptomatique, la première émission que j’ai organisée, sur La Première, à propos de ce coronavirus, portait davantage sur la Chine que sur le virus lui-même. J’étais, comme beaucoup d’autres, interloqué par la réaction spectaculaire du pouvoir chinois, capable de mettre en quarantaine totale une ville de 9 millions d’habitants, Wuhan, de l’isoler du reste du pays et de construire un hôpital en dix jours seulement.