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France: Rapport de la Commission sur le terrorisme en 2015

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 juillet 2016

RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE (1)

relative aux moyens mis en œuvre par l’État pour lutter
contre
le terrorisme depuis le 7 janvier 2015

M. Georges FENECH
Président

M. SÉBASTIEN PIETRASANTA Rapporteur

(1) La composition de cette commission d’enquête figure au verso de la présente page.

La commission d’enquête relative aux moyens mis en œuvre par l’État pour lutter contre le terrorisme est composée de : M. Georges Fenech, président ; M. Sébastien Pietrasanta, rapporteur ;MM. Jacques Cresta, Meyer Habib, Guillaume Larrivé, Mme Anne-Yvonne Le Dain, vice-présidents ; M. Christophe Cavard, Mme Françoise Dumas, MM. Olivier Falorni, Serge Grouard,secrétaires ; MM. Pierre Aylagas, David Comet, Jean-Jacques Cottel, Marc Dolez, Mme Marianne Dubois, MM. Philippe Goujon, Henri Guaino, François Lamy, Jean-Luc Laurent, Michel Lefait, Pierre Lellouche, Mme Lucette Lousteau, MM. Olivier Marleix, Jean-René Marsac, Alain Marsaud, Pascal Popelin, Mmes Maina Sage, Julie Sommaruga, MM. Patrice Verchère, Jean-Michel Villaumé.

SOMMAIRE

AVANT-PROPOS DE M. GEORGES FENECH, PRÉSIDENT DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE 11

INTRODUCTION 27

PREMIÈRE PARTIE – EN 2015 : DES ATTENTATS D’UNE AMPLEUR INÉDITE 31

I. LA CHRONOLOGIE DES ATTAQUES DES 7, 8 ET 9 JANVIER 2015 32

A. L’ATTAQUE DE CHARLIE HEBDO LE 7 JANVIER 2015 32

1. De l’attaque de Charlie Hebdo à la disparition des frères Kouachi 32

2. L’organisation de l’enquête et de la traque le 7 janvier après 12h00 34

B. LE MEURTRE COMMIS PAR AMEDY COULIBALY ET LA FUITE DES FRÈRES KOUACHI 37

C. L’ATTAQUE À L’HYPERCACHER ET L’ASSAUT DES FORCES D’INTERVENTION SPÉCIALISÉE 39

II. LA CHRONOLOGIE DES ATTAQUES DU 13 NOVEMBRE 2015 42

A. LES ATTENTATS PERPÉTRÉS AU STADE DE FRANCE 43

B. LES FUSILLADES SUR LES TERRASSES DES BARS ET DES RESTAURANTS PARISIENS ET L’EXPLOSION AU COMPTOIR VOLTAIRE 46

C. LA TUERIE DE MASSE AU BATACLAN ET LA PREMIÈRE RIPOSTE DES FORCES DE SÉCURITÉ (21H40-22H00) 51

D. LA PRISE D’OTAGES AU BATACLAN APRÈS 22H00 53

1. L’organisation des premiers secours 53

2. L’arrivée des forces d’intervention spécialisée 56

E. L’ENQUÊTE JUDICIAIRE 61

1. Les premières heures 61

2. Samedi 14 novembre 63

3. Dimanche 15 novembre 65

4. Lundi 16 novembre 65

5. Mardi 17 novembre 67

6. Mercredi 18 novembre 67

DEUXIÈME PARTIE  – LA RÉPONSE DE L’ÉTAT APRÈS UN ATTENTAT TERRORISTE 69

I. L’ACTION DES FORCES DE SÉCURITÉ INTÉRIEURE 70

A. DES UNITÉS D’INTERVENTION SPÉCIALISÉE EFFICACES 70

1. L’adaptation permanente des forces d’intervention à la menace terroriste 70

2. Des interventions efficaces 75

B. LA NÉCESSAIRE ÉVOLUTION DE LA RIPOSTE ARMÉE 78

1. Les nouvelles missions des unités élémentaires et intermédiaires de la police et de la gendarmerie nationales 78

2. Le nouveau schéma national d’intervention des forces de sécurité : une réponse pragmatique à la menace actuelle 85

3. Quel rôle pour la presse dans le contexte d’une attaque terroriste ? 88

II. LA PRISE EN CHARGE ET L’ACCOMPAGNEMENT DES VICTIMES ET DE LEURS FAMILLES 91

A. LES PREMIERS SECOURS ET LA PRISE EN CHARGE HOSPITALIÈRE 91

1. Une situation de guerre en plein Paris 92

a. Des réactions rapides malgré la simultanéité des attaques 92

b. Des prises en charge rendues difficiles par un contexte sécuritaire incertain 94

c. Une répartition des victimes sans saturation des capacités hospitalières 98

2. Une adaptation continue à la menace 100

a. Une coordination des intervenants à consolider 100

b. Mieux appliquer les préceptes de la médecine de guerre 103

B. L’ACCOMPAGNEMENT DES VICTIMES ET DE LEURS FAMILLES 105

1. L’accompagnement pendant la crise : la cellule interministérielle d’aide aux victimes 106

a. Un nouvel outil de centralisation de l’information 106

b. Une procédure d’identification des victimes redéfinie 108

c. Un centre dédié à l’accueil des familles 111

2. Le suivi dans la durée : le comité interministériel de suivi des victimes 112

a. Un outil consacré à la prise en charge de long terme 112

b. Un plan concret en faveur des victimes 113

III. LA MOBILISATION DE L’AUTORITÉ JUDICIAIRE ET DES SERVICES D’ENQUÊTE 118

A. AU SEIN DU PARQUET DE PARIS, UNE CELLULE DÉDIÉE À LA CONDUITE DES ENQUÊTES PORTANT SUR DES ATTENTATS TERRORISTES 118

1. La mission et les compétences de la cellule de crise de la section antiterroriste 119

2. L’organisation de la cellule de crise de la section antiterroriste 120

3. La cellule de crise : un outil opérant 121

B. LA MOBILISATION DES SERVICES DE POLICE JUDICIAIRE 123

1. La DCPJ et la DRPJ de Paris : deux directions structurées pour assurer la conduite d’une enquête portant sur des faits à caractère terroriste 124

a. La DCPJ 124

b. La DRPJ de Paris 131

2. Le recours aux instruments de coopération internationale dans le cadre de l’enquête ouverte à la suite des attentats du 13 novembre 2015 133

TROISIÈME PARTIE  – LES SERVICES DE RENSEIGNEMENT FACE À UN DÉFI MAJEUR 137

I. LA FRANCE EXPOSÉE À UNE MENACE SANS PRÉCÉDENT 137

A. L’ANALYSE DE LA MENACE PESANT SUR LA FRANCE 138

1. Les filières bien structurées de Daech 138

2. Les menaces provenant d’individus isolés et d’Al-Qaïda 139

3. Les menaces pesant sur les intérêts et ressortissants français à l’étranger 140

4. Le Bataclan faisait-il l’objet de menaces concrètes ? 141

B. DES PROJETS D’ATTAQUES DÉJOUÉS PAR LES SERVICES FRANÇAIS 143

C. DES TERRORISTES NATIONAUX QUI SE SONT JOUÉS DES SURVEILLANCES MISES EN PLACE 145

1. La surveillance des frères Kouachi, interrompue pour n’avoir pas produit de résultats suffisamment rapides 145

2. La libération sans aucune information ni surveillance d’Amedy Coulibaly, pourtant condamné pour avoir projeté l’évasion d’un terroriste 147

3. Le départ en Syrie (et le retour) de Samy Amimour, pourtant placé sous contrôle judiciaire, et d’Ismaël Omar Mostefaï 148

D. DES TERRORISTES ÉTRANGERS QUI SE SONT JOUÉS DES FRONTIÈRES ÉTATIQUES ET ONT PROFITÉ DES CARENCES DE LA LUTTE EUROPÉENNE CONTRE LE TERRORISME 149

1. Les attentats du 13 novembre 2015 : un projet conçu et organisé depuis l’étranger 150

2. Abdelhamid Abaaoud, l’angle mort de la lutte antiterroriste européenne 151

II. LA MUTATION INACHEVÉE DES SERVICES DE RENSEIGNEMENT 153

A. L’ÉMERGENCE TROP RÉCENTE D’UNE VÉRITABLE POLITIQUE PUBLIQUE DU RENSEIGNEMENT 153

1. Une communauté du renseignement identifiée 153

2. Une politique publique enfin assumée 156

B. UNE RÉORGANISATION DES SERVICES ENCORE INCOMPLÈTE 157

1. Le renseignement intérieur en reconstruction 157

2. La coexistence de trois services de renseignement de proximité sous la tutelle du ministre de l’Intérieur 159

a. Côté police nationale 159

b. Côté gendarmerie nationale 159

c. La survivance de la singularité parisienne 160

3. Vers une organisation plus autonome et efficace : la création d’une direction générale du renseignement territorial 161

4. Le renseignement pénitentiaire enfin dans la communauté du renseignement 163

C. DES MOYENS SUPPLÉMENTAIRES POUR LES SERVICES 166

1. De nouveaux outils techniques 167

2. Des moyens humains en hausse 169

3. Un recrutement qui doit toujours être diversifié 171

III. FAIRE ÉMERGER UNE VÉRITABLE ACTION ANTITERRORISTE CONCERTÉE AU SEIN DE L’ÉTAT 173

A. CRÉER UNE INFORMATION CENTRALISÉE, COMPLÈTE ET FIABLE SUR LA MENACE TERRORISTE 174

1. Des fichiers cloisonnés 174

a. Les divers fichiers utilisés par les services 174

b. Le fichier des personnes recherchées (FPR) 176

2. La multiplication des cellules de coordination inter-agences 177

3. Le FSPRT : un embryon de base de données commune ? 180

4. Vers une base de données ambitieuse en matière antiterroriste 183

B. CRÉER UNE AGENCE NATIONALE DE LUTTE CONTRE LE TERRORISME 186

1. La coordination actuelle de la lutte antiterroriste au sein du ministère de l’Intérieur 186

2. La nécessité de créer une agence interministérielle chargée de la lutte antiterroriste à l’image du NCTC américain 189

3. Renforcer les prérogatives du coordonnateur national du renseignement 192

QUATRIÈME PARTIE – UNE RÉPONSE PÉNALE ADAPTÉE À LA MENACE TERRORISTE 195

I. UN CONTENTIEUX LIÉ AUX AFFAIRES DE TERRORISME ISLAMISTE EN NETTE PROGRESSION 195

II. LES PEINES : UN ARSENAL RÉPRESSIF TRÈS COMPLET 198

III. L’EXÉCUTION DES PEINES : UN RÉGIME PARTIELLEMENT DÉROGATOIRE AU DROIT COMMUN 207

IV. LA PROCÉDURE : DES RÈGLES PARTICULIÈRES ADAPTÉES AUX NÉCESSITÉS DE LA RÉPRESSION 211

A. LA COMPÉTENCE DES JURIDICTIONS 211

B. LES OUTILS D’INVESTIGATION 217

C. LES RÈGLES DE PRESCRIPTION DE L’ACTION PUBLIQUE ET DES PEINES 220

V. LE CONTRÔLE JUDICIAIRE DES MIS EN EXAMEN POUR TERRORISME : DES PROGRÈS À ACCOMPLIR 221

VI. LA PRISE EN CHARGE, EN PRISON, DES PERSONNES LIÉES À L’ISLAM RADICAL 224

A. UNE SENSIBILISATION CROISSANTE DES PERSONNELS PÉNITENTIAIRES À LA PROBLÉMATIQUE DE LA RADICALISATION 224

B. LA CRÉATION D’UNITÉS DÉDIÉES AUX PERSONNES RADICALISÉES 226

CINQUIÈME PARTIE – LA PROTECTION ET LA SÉCURISATION DU TERRITOIRE 231

I. DES INVESTISSEMENTS IMPORTANTS POUR SÉCURISER LE TERRITOIRE 231

A. LES PLANS DE LUTTE ANTITERRORISTE ET LES INVESTISSEMENTS RESTANT À FAIRE 231

1. Des moyens supplémentaires 232

2. Des équipements bienvenus 233

3. Des investissements indispensables restent à consentir 235

B. LA POSTURE DE DISSUASION EN DÉBAT 236

1. Le déploiement de forces de sécurité intérieure 236

a. L’activation du plan Vigipirate 236

b. La prise en compte des menaces pesant sur les transports publics terrestres 239

c. Des inquiétudes persistantes sur la sécurité aéroportuaire 241

2. Le concours des armées : l’opération Sentinelle 243

a. Une opération déclenchée dans l’urgence 243

b. Un dispositif qui souffre d’un déficit initial de planification 246

c. Une opération qui ne saurait s’inscrire dans la durée 249

II. UN ARSENAL ADMINISTRATIF DENSE MAIS D’UNE EFFICACITÉ INÉGALE 255

A. LES OUTILS OFFERTS PAR LES LOIS DU 13 NOVEMBRE 2014 ET DU 3 JUIN 2016 255

B. L’ÉTAT D’URGENCE : UN APPORT À LA LUTTE ANTITERRORISTE UTILE MAIS LIMITÉ 262

1. Un état d’urgence justifié mais aux effets concentrés dans le temps 262

2. Peu de suites judiciaires mais un enrichissement du renseignement 264

III. L’INTERVENTION MILITAIRE FRANÇAISE AU LEVANT : UN ENGAGEMENT À AMPLIFIER 266

A. DE LA VOLONTÉ D’AFFAIBLIR L’ORGANISATION TERRORISTE À CELLE DE LA DÉTRUIRE 266

1. Une inflexion nette de la stratégie française à partir de septembre 2015 266

2. Une gamme complète de moyens déployée 269

3. Quel bilan chiffré ? 271

B. UNE STRATÉGIE DE LONGUE HALEINE 273

1. Un recul territorial de l’organisation terroriste assez net 273

2. Intervenir au sol ? 276

3. Prévenir la contagion du terrorisme djihadiste 280

IV. MIEUX SE PROTÉGER ENSEMBLE : UNE LUTTE INTERNATIONALE CONTRE LE TERRORISME INDISPENSABLE MAIS ENCORE BALBUTIANTE 283

A. UNE COOPÉRATION PAR L’ÉCHANGE D’INFORMATIONS EN VOIE D’AMÉLIORATION DEPUIS LES ATTENTATS DE NOVEMBRE 2015 284

1. Les échanges de renseignement résultant de coopérations bilatérales ou informelles 285

a. Une démarche volontariste de la France en matière de coopération 285

b. La France, victime indirecte des trop faibles échanges entre pays tiers ? 286

2. Le recours prometteur mais encore limité aux outils européens d’échange d’informations 287

a. Les apports d’Eurojust pour faciliter des enquêtes judiciaires de plus en plus internationales 287

b. L’alimentation de plus en plus intensive des bases d’Europol depuis le 13 novembre 2015 290

B. UNE COOPÉRATION EUROPÉENNE PAR DES OUTILS INTEGRÉS DE LUTTE CONTRE LE TERRORISME ENCORE TROP TIMIDE 291

1. L’émergence progressive d’Europol comme un outil de lutte contre le terrorisme 291

a. La piste intéressante du Centre européen de la lutte contre le terrorisme 291

b. L’intégration encore trop timide d’Europol dans les politiques nationales antiterroristes 293

2. Les faiblesses des dispositifs de contrôle au sein de l’espace Schengen 294

a. Le contrôle des flux migratoires exceptionnels 294

b. Le très lent avènement du PNR européen 296

c. La base de données SIS 2 et son utilisation dans la lutte contre le terrorisme 297

EXAMEN EN COMMISSION 303

LISTE DES PROPOSITIONS 335

ANNEXE N° 1 : EXTRAITS DE LA DOCUMENTATION TRANSMISE PAR LE RAID 339

ANNEXE N° 2 : LISTE DES EXERCICES « ATTENTATS TERRORISTES » EFFECTUÉS PAR LES FORCES DE SÉCURITÉ DEPUIS JANVIER 2015 359

ANNEXE N° 3 : GRILLE D’ANALYSE DE LA MENACE UTILISÉE PAR L’OCAM EN BELGIQUE 373

ANNEXE N° 4 : ÉVOLUTION DES ZONES CONTRÔLÉES PAR DAECH AU LEVANT 387

CONTRIBUTIONS DES COMMISSAIRES 389

PERSONNES ENTENDUES PAR LA COMMISSION 421

DÉPLACEMENTS EFFECTUÉS PAR LA COMMISSION 429

AVANT-PROPOS DE M. GEORGES FENECH,
PRÉSIDENT DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE

Le 20 janvier 2016, à l’initiative du groupe Les Républicains, notre Assemblée a adopté la proposition de résolution tendant à créer une commission d’enquête sur les moyens mis en œuvre par l’État pour lutter contre le terrorisme, depuis le 7 janvier 2015.

Dans l’exposé des motifs, il était précisé qu’« au lendemain des terribles attentats du 13 novembre 2015, nous ne pouvions que nous interroger à nouveau sur l’efficacité de l’ensemble des moyens engagés par toutes les administrations d’État, en charge de la lutte contre le terrorisme (police nationale, gendarmerie, armée, justice, budget, renseignements), depuis janvier 2015 ».

L’exigence de vérité due aux victimes et à toute la Nation nous obligeait à établir avec la plus grande objectivité comment les auteurs de ces attentats dans leur quasi-totalité fichés, surveillés, condamnés ou sous le coup d’un mandat d’arrêt, ont pu se déplacer, en France et en Europe, lourdement armés et mener leurs attaques en plein Paris, sans qu’aucun des moyens de surveillance n’ait pu prévenir et empêcher leur passage à l’acte.

Il incombait donc à la représentation nationale de rechercher et d’analyser les éventuelles failles et dysfonctionnements qui ont abouti à ces tragédies et de formuler des propositions pour lutter contre ces nouvelles formes de menaces terroristes.

L’année 2015 restera à jamais endeuillée par une série d’attaques coordonnées depuis le 7 janvier jusqu’au 13 novembre, totalisant le nombre de victimes le plus élevé sur notre sol depuis la fin de la seconde guerre mondiale.

De l’avis de tous les responsables des services de police et de justice ainsi que des universitaires que notre commission d’enquête a auditionnés, la menace terroriste reste très élevée. L’assassinat d’un couple de policiers, le 13 juin dernier, victimes d’un véritable guet-apens à leur domicile de Magnanville (Yvelines), en est la terrible illustration.

Au lendemain de la tragédie du Bataclan, le Président de la République décrétait l’état d’urgence et annonçait devant la représentation nationale, réunie en Congrès, sa volonté de tout mettre en œuvre pour vaincre la guerre qui nous était déclarée par le terrorisme international.

C’est dans ce contexte, d’une exceptionnelle gravité, que le rapporteur Sébastien Pietrasanta (SRC) et moi-même (Les Républicains) en qualité de Président ainsi que les vingt-huit autres membres de la commission d’enquête de toutes sensibilités politiques, affirmions notre détermination, sans esprit partisan, d’atteindre un double objectif : établir la vérité sur les circonstances de ces attentats et formuler des propositions pour empêcher que de telles tragédies ne se reproduisent à l’avenir.

Notre commission a choisi de donner la parole en premier lieu aux victimes et de clôturer nos auditions par celle de Madame Juliette Méadel, nouvelle Secrétaire d’État chargée de l’aide aux victimes, pour marquer symboliquement notre compassion et notre solidarité à leur égard.

Nous nous sommes ensuite rendus au Bataclan en présence des forces d’intervention, pour restituer dans le plus grand détail possible, et de manière très factuelle, ce qu’il s’est très précisément passé dans la nuit du 13 et jusqu’au 18 novembre date de l’assaut en Seine-Saint-Denis pour en tirer objectivement toutes les conséquences.

Au total, notre commission a procédé à l’audition de près de cent quatre-vingt-dix personnes, effectué deux déplacements en province (Lille et Marseille), visité le quartier dédié aux détenus radicalisés à la prison de Fresnes, ainsi que visité l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT) et effectué plusieurs déplacements à l’étranger : Bruxelles, Molenbeek, La Haye, Ankara, Athènes, Jérusalem, Tel Aviv et Washington.

À la fin de nos travaux mon sentiment général est que malgré l’intérêt des dernières mesures prises par le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, notamment celles relatives à l’organisation du renseignement et aux nouvelles doctrines d’emploi des forces d’intervention, ces avancées ne sont pas encore à la hauteur du défi qui nous est lancé par un terrorisme international aguerri à de nouvelles formes de combats jusque-là insoupçonnées.

C’est pourquoi je fais mienne les propositions, plus ambitieuses, du rapporteur Sébastien Pietrasanta, en divergeant cependant sur la nécessité de renforcer d’une manière plus générale la politique pénale.

Quelles sont, pour l’essentiel, les grandes orientations proposées par notre commission d’enquête?

S’agissant de nos services de renseignement :

Nos travaux nous ont permis d’acquérir la conviction que leur organisation est encore trop complexe, mal cordonnée, et que le partage d’informations doit encore être amélioré.

Cette analyse repose, à partir des cas les plus emblématiques, sur une constatation objective des failles du renseignement.

Force est de constater que les trois assaillants du Bataclan étaient parfaitement connus des services de renseignement et de la justice.

Samy Amimour, le terroriste abattu sur la scène du Bataclan par un valeureux  commissaire de la Bac, avait été auditionné en octobre 2012 par la DCRI et de surcroît placé sous contrôle judiciaire, ce qui ne l’avait pas empêché de se rendre en Syrie en septembre 2013, avec le nommé Ismaël Omar Mostefai, l’un des deux autres assaillants du Bataclan, lui-même fiché S.

Quant au troisième homme Foued Mohamed-Aggad, il était connu de la justice française pour avoir rejoint l’État Islamique avec un groupe de neuf autres strasbourgeois en décembre 2013.

Il en était de même en ce qui concerne les frères Kouachi, auteurs de la tuerie de Charlie Hebdo. Le prénommé Cherif, avait été arrêté pour sa participation à la filière de recrutement djihadiste dite des “Buttes-Chaumont” et il s’était radicalisé en prison entre 2005 et 2008 avant de réapparaître en 2013 dans l’enquête relative à la tentative d’évasion d’un certain Smain Aït Ali Belkacem, condamné comme artificier de l’attentat du RER Saint-Michel de 1995.

Quant à son frère Saïd, il était déjà, semble-t-il, repéré pour s’être entraîné au Yémen en 2011 aux côtés d’Al Qaïda.

Le rapport revient plus en détails sur les parcours de quelques autres terroristes qui illustrent les « ratés » de leur surveillance. Je relèverai ici l’étonnante cessation des écoutes téléphoniques visant Saïd Kouachi ordonnée par la Direction Générale de la sécurité Intérieure (DGSI) en juin 2014, soit seulement six mois avant l’attaque de Charlie hebdo.

Concernant le nommé Abdelhamid Abaaoud, l’instigateur présumé des attentats du 13 novembre 2015, neutralisé lors de l’assaut en Seine-Saint-Denis le 18 novembre 2015, nos services de renseignement le considéraient, depuis plusieurs mois, comme l’un des principaux architectes de projets d’attaques visant notre sol, mais sa présence en France n’avait jamais été confirmée, y compris avant, pendant et juste après les attentats du 13 novembre. Alors qu’on le croyait en Syrie, les enquêteurs parvenaient à le localiser grâce en réalité, à “Sonia” une proche du terroriste qui les a alertés du lieu où il se réfugiait.

Pour mémoire chacun des services ci-après énumérés, recueille de l’information et dispose de son propre fichier:

– la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI)

– la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE)

– le Service central du renseignement territorial (SCRT)

– la Sous-direction de l’anticipation opérationnelle de la gendarmerie nationale (SDAO)

– la Direction du renseignement militaire (DRM)

– la Direction de la protection et de la sécurité de la Défense (DPSD)

– la Direction du renseignement de la préfecture de police de Paris (DRPP)

– la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED)

– le Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins (Tracfin)

Ces multiples structures sont censées être coordonnées de manière à assurer un partage de l’information et éviter les « trous dans la raquette ». Or force est de constater que la coordination souffre elle-même d’une complexité nuisible à ses objectifs.

Ainsi existe-t-il trois services coordonnateurs :

– l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT) qui n’a autorité que sur les services relevant de la police nationale

– l’État-major opérationnel de prévention du terrorisme (EMOPT) directement rattaché au ministre de l’Intérieur

– le Coordonnateur national du renseignement auprès du Président de la République

…continuer à lire

 

 

 

 

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